Emmanuelle Bollack : Dualités
La bibliothèque a exposé les peintures sur papier d'Emmanuelle Bollack dans sa vitrine du 19 mai au 10 juin 2008.
« Dualités »
Il y a d’abord le blanc, le lait et l’à-plat du papier qui s’épaississent et montent, avec les glacis, les pigments, ou même les sables.
Ensuite seulement une forme surgit, prend corps… Elle gonfle une étoffe, soulève une peau, s’imprime dans une granulosité. Une présence, puis deux : l’ombre, le double – la sœur ? la (fausse) suivante ? – apparaît. Mais parfois l’une et l’autre surgissent d’un coup, avec les plissés du papier qui, collé dans l’humide, sèche et garde les élans d’un mouvement arraché.
Deux corps. Les deux font la paire et tout se joue entre les deux formes, face à nous ; ou alors elles se déchirent, l’une tire tout à soi, se soulève contre l’autre – ou attend, ployée, que cesse la soumission.
Deux, duos, duel(le)s… et nous (elle qui peint, moi qui regarde) : ce qui s’écrit et se crée dans le secret du papier est adressé. Le vif du crayon donne parfois un contour ; la matière, elle, révèle le grain, le bruit, la couleur d’où sourdent, si l’on écoute, quelque plainte, cri – ou le silence d’après, saisi dans les papiers froissés.
Les actions ont lieu devant nous, noir sur blanc, prises entre l’encre et le support qui semblent rappeler qu’elles sont, comme pour la scène, déjà écrites… Et lorsqu’elles empruntent l’ocre, ou bien le rose et le gris, elles témoignent de ce qui s’est joué sans texte, là où la parole, soulevée par le geste quotidien, s’efface aussitôt, dans les sables d’un continent étrangement familier.
J.D.
J.D.