Resumen:
|
Aimer, est-ce penser à soi ou à l'autre ? Est-ce prendre ou donner ? Bien avant l'invention de l'amour chrétien qui, par opposition à celui des philosophes païens, se veut totalement désintéressé, la logique paradoxale de l'amour avait été relevée par les Anciens : aimer, c'est à la fois vouloir vivre et désirer mourir. Phèdre, dans Le Banquet de Platon par exemple, célébrait déjà l'héroïsme amoureux et la disposition de l'amant à se sacrifier pour l'aimé. Que la vérité de l'amour se reconnaisse dans l'oubli de soi, que la mystique soit l'autre nom de l'érotique, voilà sans doute une des choses de notre humaine condition les plus redoutables à penser. On s'en détourne pudiquement quand, au nom de l'égoïsme invétéré de l'espèce, on préfère, sur les traces de La Rochefoucault, contester la réalité même du fait amoureux : "L'amour, comme les fantômes, tout le monde en parle mais personne n'en a jamais rencontré." Prendre acte de l'aspiration à la mort qui loge en tout amant a toujours représenté un défi lancé à la raison. La querelle du pur amour qui, dans le sillage de celle sur le quiétisme, oppose Fénelon et Bossuet à la fin du XVIIe siècle aboutit à une condamnation papale de l'idée du désintérêt absolu. Cette crise intellectuelle représente un des temps forts de notre histoire culturelle où les inquiétantes implications du fait amoureux ont été à la fois repérées et refoulées. Comment la théologie chrétienne se débarrassa de la question et comment celle-ci fit-elle retour sur la scène de la philosophie (Kant, Schopenhauer) et de la psychanalyse (Freud, Lacan) ? Jacques Le Brun, fort d'une impressionnante érudition, tente de répondre à cette question cruciale, familière à ceux qui fréquentent les poètes : "Ai-je su t'aimer, Ne sachant mourir ?" (Yves Bonnefoy)
|