Type de document : | texte imprimé |
Titre : | Souffrance en France : la banalisation de l'injustice sociale |
Auteurs : | / Christophe DEJOURS |
Editeur : | Paris : Éditions du Seuil, 1998 |
Importance : | 197 p. |
Collection : | L'Histoire immédiate |
ISBN/ISSN/EAN : | 978-2-02-032346-8 |
Format : | 197 p. / 20 cm |
Note générale : | Analyse in Lectures, Actualités de la Bibliothèque Sigmund Freud, 1998, n° 20, par Martine Lussier |
Langues: | Français |
Mots-clés : | Travail ; Société ; Souffrance ; Banal ; France ; Mensonge ; Défense ; Virilité ; Aliénation ; Victime ; EICHMANN, Adolf |
Résumé : |
Présentation de l'éditeur : Les Français souffrent et ne le disent pas. Comment faisons-nous pour tolérer le sort des chômeurs et des " nouveaux pauvres "? Et comment parvenons-nous à accepter sans protester des contraintes de travail toujours plus dures, dont nous savons pourtant qu'elles mettent en danger notre intégrité mentale et physique ? Christophe Dejours, spécialiste du travail, découvre à l'origine de ce consentement silencieux la peur et la honte. Il révèle comment, pour pouvoir endurer la souffrance sans perdre la raison, on se protège. A la lumière du concept de distorsion communicationnelle de Jürgen Habermas et de celui de banalité du mal d'Hannah Arendt, il met au jour le processus qui fonctionne comme un piège. Alors la souffrance devient impensable. Et l'injustice sociale banalisée... Analyse par Martine Lussier parue dans Lectures, 1998, n° 20 : Cet essai écrit par un psychiatre-psychanalyste a pour sujet un thème de société : la souffrance en relation avec le travail ou son absence (chômage, exclusion). Quoique l'auteur ne le mentionne pas, son livre est le prolongement quasi logique d'un ouvrage collectif de grande qualité (sous la direction de P. Bourdieu), La misère du monde (Seuil, 1993) qui décrivait les conditions de production de la misère sociale et la souffrance qui en résulte. C. Dejours, lui, fait un pas de plus : il reprend certes la genèse de la souffrance au travail, mais il essaie d'expliquer pourquoi nous tolérons l'intolérable ou, pour le dire familièrement, pourquoi ça n'explose pas ? L'ouvrage se veut théorique (mais il s'appuie sur des recherches empiriques), il n'est pas écrit dans le style académique et les psychanalystes uniquement amateurs de littérature psychanalytique n'y trouveront pas pâture ; il pourra pourtant aider à comprendre ce que doivent vivre certains de nos patients dans leur milieu de travail (cadres et ingénieurs compris). Pourquoi tolérons-nous l'actuelle organisation économique du travail qui génère tant de souffrance ? Souffrance liée au chômage mais aussi aux menaces sur les compétences, sur la reconnaissance de la qualité du travail ou, à l'inverse, l'obligation de faire incorrectement son travail ou de faire un "sale boulot" (pour les cadres responsables des plans de licenciement, par exemple). C. Dejours montre comment cette souffrance a d'abord longtemps été déniée, en particulier au niveau syndical, parce que cela implique des facteurs subjectifs, il en résulte au niveau individuel la honte à exprimer cette souffrance. En outre, la peur de perdre son travail génère des conduites de soumission, de mensonge (la "distorsion communicationnelle ", dit savamment J. Habermas) et de cynisme sous le masque de la virilité. Face à ces situations s'élaborent ce qu'on appelle en psycho-dynamique du travail des "stratégies collectives de défenses ", mises en évidence d'abord dans les métiers du bâtiment : le déni forcément aliénant, le discours du cynisme " viril " défensif (supposé être du courage), le renversement du "sale boulot" en conduite économique rationnelle, banalisation ; toutes ces attitudes ne protègent évidemment pas le bourreau de devenir un jour victime.L'auteur développe longuement la notion de banalisation du mal, faisant ainsi une référence explicite au livre d'H. Arendt, Eichmann à Jérusalem, ou la banalité du mal, en la transposant à la psycho-dynamique du travail. Il décrit la normopathie selon trois critères : 1) indifférence au monde distal et collaboration au "mal par omission aussi bien que par action" ; 2) suspension de la faculté de penser et recours aux stéréotypes ; 3) abolition de la faculté de juger et de la volonté d'agir collectivement. Cette conduite n'est pas mise en oeuvre pour lutter contre des conflits psychiques internes mais "pour s'adapter à la souffrance qu'implique la peur, en réponse à un risque venu de l'extérieur" ; à la différence de la conduite d'Eichmann, cette défense est localisée, limitée et compatible avec un deuxième fonctionnement (clivage du moi) ; il s'agit d'une stratégie défensive individuelle. Selon C. Dejours, le choix entre stratégie individuelle et stratégie collective se ferait "en fonction de la distance entre le sujet et le théâtre où s'exercent la violence, l'injustice et le mal contre autrui." En cas d'échec de ces stratégies, on peut observer deux types de décompensation : la dépression, l'alcoolisation, voire le suicide ou les conduites de révolte (sabotage, vols, casse). Au terme de son ouvrage, l'auteur insiste sur la nécessité de dé-banaliser le mal ; pour ce faire, on peut, selon lui, agir dans trois directions : dénoncer le mensonge organisationnel, dénoncer les poses viriles comme travestissement du courage et reconnaître la peur et la souffrance au travail.Ce bref compte rendu donne une image imparfaite de la fécondité de ce livre, animé d'une vitalité combative, qui permet de repérer et de donner un sens à des conduites sur les lieux de travail, quels qu'ils soient. Martine Lussier |
Note de contenu : | Bibliographie, index |
Exemplaires (1)
Code-barres | Cote | Support | Localisation | Section | Disponibilité |
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10015366 | DEJ | Ouvrage | BSF Paris | ψ Réserve : Ouv. A-Z | Consultation sur place |