Type de document : | texte imprimé |
Titre : | Meurtre d'âme : le destin des enfants maltraités |
Auteurs : | / Leonard SHENGOLD / Marthe ROBERT , trad. / Jean-François CHAIX , trad. |
Editeur : | Paris : Calmann Lévy, 1998 |
Importance : | 406 p. |
ISBN/ISSN/EAN : | 978-2-7021-2765-0 |
Format : | 406 p. / 23 cm |
21 euros | |
Note générale : |
Soul murder : the effects of childhood abuse and deprivation. New Haven, Londres, Yale University Press, 1989. Analyse in: 1) Lectures, Actualités de la Bibliothèque Sigmund Freud, 1998, n°20, par S. Korff-Sausse. 2) Carnet Psy, 1998, n° 37, pp. 23-25, par Jean-François Rabain. |
Langues: | Français |
Langues originales: | Anglais |
Mots-clés : | Enfant maltraité ; Abus sexuel à l'égard de l'enfant ; DICKENS, Charles ; KIPLING, Rudyard ; ORWELL, Georges ; TCHEKHOV, Anton ; SCHREBER, Daniel Paul ; Inceste |
Résumé : |
-- Analyse : Analyse par S. Korff-Sausse parue dans LECTURES, 1998, n°20 : II y a dans ce livre quelques idées-force qui, sans être tout à fait inédites, sont formulées par l'auteur d'une manière si juste, claire et convaincante, que le lecteur a l'impression de les re-découvrir. De ce sujet difficile, voire perturbant, celui des enfants victimes de mauvais traitements et d'abus sexuels, l'auteur parle avec empathie. Leonard Shengold est professeur de psychiatrie clinique à la New York University School of Médecine, mais il parle surtout en psychanalyste. Il rapporte des cas cliniques approfondis, toujours en articulation avec la conceptualisation théorique qui permet de rendre compte de l'intériorisation psychique des événements traumatiques de la réalité. Dès les premières pages, il entre avec vigueur dans le vif du sujet. "Le meurtre de l'âme n'est ni un diagnostic ni une maladie, mais l'expression tragique qui décrit des événements aboutissant à un crime : la tentative délibérée d'éradiquer ou de mettre à mal l'identité d'un individu. Les victimes d'un meurtre de l'âme restent très largement possédées par un autre, leur âme devient l'esclave de l'autre." L. Shengold décrit les conséquences psychiques de cette situation et les modalités défensives mises en place par le sujet. "Le lavage de cerveau permet d'effacer le cortège d'émotions épouvantables qui, associées à ces événements, constituent une expérience inracontable. Tandis que la victime se protège de toute forme d'émotion, bonne ou mauvaise, ses émotions les plus profondes restent prisonnières de l'assassin de son âme." L'analyse théorique de ces processus psychiques se situe dans le prolongement de l'article de Ferenczi sur la "Confusion de langue entre les adultes et l'enfant", travail pionnier dont se réclame L. Shengold. Par le mécanisme de l'identification à l'agresseur, l'enfant se trouve dans une dépendance physique et émotionnelle presque totale à l'égard de son agresseur. "Incapable d'échapper au tyran-bourreau, l'enfant se soumet et s'identifie à celui qui abuse de lui." Or, "s'identifier signifie être et ne pas voir quelqu'un." Le lavage de cerveau qui implique déni, isolement affectif et auto hypnose devient un processus intériorisé permanent et chronique. "Parce que la victime dépend du pouvoir absolu de son bourreau, c'est vers lui qu'elle se tourne pour obtenir aide et consolation, exprimant par là son immense besoin de transformer le bourreau en un être bon et juste auquel elle puisse s'identifier." C'est ainsi que l'enfant se fabrique une image délirante du bon parent, où le mauvais est enregistré comme bon. Mais, et c'est là un point trèséclairant sur le plan clinique, ces délires ne sont pas forcément psychotiques, nous dit L. Shengold. Il s'agit d'un mécanisme de "clivage vertical." De là, le besoin du patient de répéter l'expérience traumatique en espérant que le prochain contact sera porteur d'amour et non de haine. "Cette crispation désespérée réalisant la fiction d'un parent bon et aimant constitue ultérieurement la plus grande résistance aux efforts employés par le thérapeute pour dénouer le délire." Une autre notion que l'auteur décrit à l'oeuvre chez ces patients est l'auto hypnose, qui travaille elle aussi au service du déni. "La victime d'un meurtre de l'âme y a régulièrement recours pour épargner le meurtrier de l'âme et pour répéter, directement et sous forme atténuée, le traumatisme de l'enfance." L. Shengold souligne le caractère défensif de l'auto hypnose, qui risque d'affecter le processus psychanalytique par une "mise en sommeil de l'analyste." Les histoires cliniques multiples et variées que raconte L. Shengold sont impressionnantes. Elles suscitent par moment un mouvement de recul. "C'est trop ! Je ne peux plus entendre cela..." Cette réaction du lecteur explique peut-être pourquoi les cas de mauvais traitement et d'abus sexuel ont été pendant si longtemps (et encore maintenant) objet de déni ou de minimisation. Et que ces patients ont eu bien souvent du mal à se faire entendre. Est-ce pour atténuer le choc émotionnel des cas issus de la clinique que l'auteur consacre une large part de son ouvrage à des illustrations du "rneurtre de l'âme" dans la littérature et la mythologie ? Charles Dickens, Rudyard Kipling, Jocaste et le Sphinx, George Orwell sont autant de figures qui montrent les conséquences de la violence exercée par des adultes sur les enfants. L. Shengold étudie les modalités psychiques du déni et du clivage vertical à travers l'image symbolique des rats, image dont il explore le rapport avec le sadisme oral et la projection de l'agressivité cannibale. Une étude comparative entre Tchekhov et Schreber permet d'aborder la question de la créativité en rapport avec une potentialité paranoïaque, mais ici l'énigme demeure entière. En effet, si le clivage vertical peut donner lieu à un usage créatif, il reste toujours difficile de dire à quelles conditions. "La créativité n'est pas due à la pathologie, mais aux dons et au génie : la psychose n 'est pas source de la capacité artistique, même si elle peut devenir un élément du matériel façonné par l'artiste et une partie intégrante de la constitution de l'oeuvre de l'artiste." Pourtant, on ne s'invente pas critique littéraire quand on est psychanalyste... C'est pourquoi ces chapitres paraissent moins intéressants moins maîtrisés que les parties clinique malgré la documentation intéressante qu'ils apportent. Pour finir, L. Shengold aborde 1es problèmes techniques soulevés par ces patients, qui réclament avant tout la patience du thérapeute. Ils ont tendance à répéter le traumatisme, au point de rendre quelquefois nuisible une relation chargée de haine destructrice projetée sur l'analyste, qu'il faut alors interrompre. Le processus psychanalytique les oblige à renoncer à l'identification aux parents, qui implique le danger terrible de 1es perdre. À ce propos, le lecteur français pourra faire le rapprochement avec les remarquables travaux de M. Enrique sur Le délire en héritage (réédité dans Transmission de la vie psychique entre générations (R. Kaës, Dunod, 1993), qui analysent cette même difficulté. En effet le "besoin du lien au parent constitue le noyau de la résistance au changement et maintient l'enfant abusé aux prises avec le meurtre de l'âme". Dès lors, la question centrale de ces patients "La vie est-elle possible sans père ni mère ?" devient l'enjeu de ces thérapies ardues, dont L. Shengold montre néanmoins le bien fondé, aussi risquées soient-elle. Risquées au sens où elles soulèvent des difficultés transférentielles et contre- transférentielles particulières, mais risquées aussi parce qu'elles obligent à confronter l'outil psychanalytique à des réalités parfois insoutenables. Simone Korff-Sausse |
Note de contenu : | Bibliographie, Notes |
Titre dans la langue d'origine : | Soul murder : the effects of childhood abuse and deprivation |
Exemplaires (2)
Code-barres | Cote | Support | Localisation | Section | Disponibilité |
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10010801 | SHE | Ouvrage | BSF Paris | Salle de lecture : Ouvrages A-Z | Disponible au prêt |
10010800 | SHE | Ouvrage | BSF Paris | ψ Réserve : Ouv. A-Z | Consultation sur place |