Type de document : | texte imprimé |
Titre : | Freud et Moïse : psychanalyse, loi juive et pouvoir |
Auteurs : | / Raphaël DRAÏ |
Editeur : | Paris : Anthropos, 1997 |
Importance : | 282 p. |
ISBN/ISSN/EAN : | 978-2-7178-3236-5 |
Format : | 282 p. / 21 cm |
150 FF | |
Note générale : | Analyse in Lectures, Actualités de la Bibliothèque Sigmund Freud, 1998, n° 18, par Annie Laquerrière |
Langues: | Français |
Mots-clés : | FREUD, Sigmund. - L'homme Moïse et la religion monothéiste ; Loi juive ; Pouvoir ; Judaïsme ; ROUSSEAU, Jean-Jacques ; Mot d'esprit ; Oubli ; Psychanalyse et politique ; Généalogie ; Complexe d'Oedipe ; Éthique ; Politique ; Prophétisme |
Résumé : |
Analyse par Annie Laquerrière parue dans LECTURES, 1998, n°18 : R. Draï se fixe un objectif de recherche déjà à l'oœuvre dans son précédent ouvrage Le Mythe de la loi du talion: en quoi la loi juive, la Thora et le droit hébraïque ont-ils une "relation manifeste avec l'inconscient" ? Partant de la psychanalyse, puis de la Thora et du droit hébraïque, il nous montre les analogies et voies de passage, en faisant travailler ce que la culture et la civilisation déforment, occultent et dévoilent à l'égal du souvenir-écran en révélant que la loi seule soutient le lien en soi et entre soi et l'autre, eu égard à la violence et aux enjeux meurtriers présents entre individus et dans le collectif. Disons encore que le lien, ce qui tient les individus entre eux, est de nature juridique. R. Draï montre, à partir du Livre des Juges et en reprenant le Lévite d'Ephratm de J.-J. Rousseau, les fondements de l'État de droit par le don de la Loi au mont Sinaï : l'existence de B'neï Israël est régie par l'État de droit et non par la parole divine ; ce qui pose la différence entre l'oraculatoire, pur et simple simulacre, et le prophétique dont je parlerai plus loin. Soulignons le rappel de l'ordonnance du 8 novembre 1940 établie par l'Allemagne, interdisant toute forme de devinettes dans le trafic postal, ainsi que le mot d'esprit de Freud lors de la signature de la déclaration rédigée par la Gestapo lorsqu'il fut autorisé à quitter l'Allemagne : "Je puis cordialement recommander la Gestapo à tous". La pensée juive reconnaît l'inconscient : la pensée totalitaire interdit tout jeu de parole, la communication étant réduite à ce qui est prescrit. R. Draï se livre à une analyse de l'oubli, du souvenir, de la mémoire, de la temporalité à partir des récits bibliques et des relations entre les événements rapportés : chacun de ces éléments est mis en rapport avec la Loi, et c'est là que réside la force du texte. Par exemple, l'oubli constaté, la Mitsva fait l'obligation juridique de ne pas revenir sur l'oubli et ses effets. R. Draï, à propos de la gerbe oubliée, montre les points de rencontre entre le Talmud et la psychanalyse sur la surdétermination de l'oubli, sur la relation triangulaire et l'obligation alimentaire parents-enfants qui atteste du dépassement des voeux parricidaires et infanticides. Le lecteur intéressé pourra aller chercher dans le texte l'admirable cheminement qui conduit au rapprochement du surmoi et de la Loi. La mémoire est celle de l'esclavage en Égypte. La Loi, les dix paroles, rappelle la sortie d'Égypte, la libération de l'esclavage, événement fondateur de la liberté. L'oubli de la Loi peut réinstaller le peuple dans un corps social analogue à l'esclavage dont seul l'appel de la Loi constituera une issue. Dieu n'est pas un mythe, "ne prononce pas des oracles, mais révèle la Loi". L'homme politique et le psychanalyste auraient en commun la capacité de faire émerger une parole libératrice, susceptible de prolonger le processus créationnel, à condition que le psychanalyste ne se contente pas de constater la névrose dans un système qui la crée, à condition que le politique ne perpétue pas le refoulement de l'éthique, mais propose une libération du mythe au profit de l'éthique. L'installation des généalogies n'est pas une donnée d'emblée : la filiation succède à la prise de conscience du meurtre d'Abel, plus homicide que fratricide, et à la stérilité des couples bibliques, jusqu'à l'établissement de la filiation plénière qui relève du don et de la réciprocité. La généalogie dans la névrose, telle que découverte par Freud, est très loin des pères-fils tels qu'enseignés dans la Thora. La pensée juive contient la pensée du social, de la relation entre humains. La Loi est au cœur de la délibération de l'ouvrage, Dieu est second par rapport à la Loi dans la vision hébraïque de la Création. La transgression humaine, celle du premier couple biblique, n'est pas le mal : la transgression installe l'humain éloigné de l'arbre de vie ; l'homme reste en relation avec la terre originelle, quoique expulsé sans retour, soit l'exil du jardin d'Éden, les chérubins sauvegardant l'ouverture du jardin. L'hégémonie du mal conduit à la dislocation du processus de création : Caïn, meurtrier sans parole, est l'étranger, en déliaison par rapport aux hommes et à Dieu, condamné à l'errance. L'étranger, c'est aussi Moïse et son peuple, libéré de l'esclavage, traversant le désert pour y recueillir la Loi. Moïse étranger respectant l'accueil en terre qui n'est pas sienne, Moïse devenant législateur pour son peuple. La Loi est désormais dévolue à l'intelligence humaine selon un débat interlocutoire. R. Draï explore la vaste question de l'Alliance et ses liens à la problématique politique, ainsi que les fonctions dévolues au Roi, au Prophète et au juge. Dans cette présentation, je me contenterai d'extraire quelques temps forts de ce texte dense et profond. La mémoire des mots révèle par exemple l'opposition radicale entre politique et prophétique : pol, polémos signifie diatribe, affrontement, voire guerre ; le politique détient le pouvoir, l'organisation, cherche la maîtrise et, pourquoi pas, par des prédictions ou prévisions (celles de prophètes d'illusion, ainsi que les désigne R. Draï). Le prophète, comme le Roi ou le Prêtre, est responsable de la justice. La fonction prophétique doit intégrer les comportements destructeurs si besoin est en provoquant la crise qui amènera la prise de conscience ; la réponse du prophète est le rétablissement de la Berith (Alliance) juridique et socio-économique, processus de transformation établissant l'État de droit. Le judaïsme se fonde sur la Loi, soit la fidélité aux énoncés de l'Alliance sinaïtique. Le christianisme se fonde sur la Foi, délibérément coupé du judaïsme. L'Alliance "nouvelle" des Evangiles amène un changement avec une volonté d'abrogation de la Thora : la stratégie d'évangélisation s'est dirigée vers un abandon des règles du droit sinaïtique, ce qui situe le christianisme ainsi que les religions qui lui succèdent dans une "opposition périlleuse de l'ancien et du nouveau". La fidélité à la Thora ne fait pas obligation de l'imposer aux autres peuples. En conclusion, je garderai ce rappel fait par R. Draï que l'existence du prochain est la "condition de la légitimité et presque de la viabilité de chaque existence individuelle". "Il n'est pas bon que l'homme soit seul", est-il écrit dans la Genèse |
Exemplaires (1)
Code-barres | Cote | Support | Localisation | Section | Disponibilité |
---|---|---|---|---|---|
10014732 | DRA | Ouvrage | BSF Paris | ψ Réserve : Ouv. A-Z | Consultation sur place |