Résumé :
|
Analyse par Sabina Lambertucci-Mann parue dans Lectures, 1996, n° 14 :
François Duparc, psychanalyste, membre de la Société psychanalytique de Paris, avec beaucoup d'humour, nous introduit à la biographie d'André Green, exprimant bien sa "curiosité d'analyste" et les liens d'estime qui le lient à cet auteur: A. Green a été présenté comme un "tigre, un tigre contenu, mais avec tout de même ce qu'il faut de pulsion", un tigre avec lequel la discussion est toujours possible (de la littérature au théâtre, aux débats politiques). D'emblée Duparc nous montre son intérêt pour les origines (l'enfance et l'adolescence) de Green ("l'autre tigre, celui qui n'est pas dans le poème"), pour ses choix de vie et ses investissements. Duparc veut se différencier d'un biographe historien et maintenir sa place d'analyste qui peut oser aussi formuler des éhypothèses interprétativesé. Green, Le psychanalyste engagé ne peut pas être séparé de l'enfant né au Caire, de son histoire familiale particulière et d'une mère très préoccupée par une grave maladie de sa fille aimée... La France, le pays de choix, le pays de vie, où la mère d'A. Green, enceinte de lui, allait rendre visite à sa fille aimée hospitalisée. A. Green a été un enfant assoiffé de culture, solitaire, devant compter plus sur ses relations amicales que sur ses liens familiaux. Des parents âgés, décédés lorsqu'il était adolescent. La "mère morte" n'est pas qu'une conceptualisation abstraite, mais l'histoire d'affects douloureux. "J'ai eu donc des raisons de m'intéresser à l'affect", nous dit A. Green. Il est parti de la philosophie, sa vraie passion, pour entreprendre ses études de médecine (poussé par des questions d'ordre économique ?). Le choix de Paris, des études en médecine, n'a pas été un choix facile : l'isolement, l'antisémitisme de l'époque et surtout l'esprit médical borné étaient pour lui source de doutes : tout abandonner ? Il arrive à "tenir" dans la perspective de devenir psychiatre (l'"année de sa naissance"). II tisse des liens professionnels et d'amitié avec H. Ey et J. Ajuriaguerra. Il s'engage dans le mouvement de psychiatrie institutionnelle de l'époque, vit beaucoup la vie intellectuelle et scientifique de l'hôpital Sainte-Anne, mais n'arrive pas à accepter vraiment le monde universitaire qui le contraignait à une moins grande indépendance. Il ne voulait pas de maîtres, mais il acceptait des "influences" ; il ne voulait pas de modèles identificatoires (son "refus d'inféodation"). Mais sa vraie passion, son choix authentique reste la psychanalyse, sa théorie, sa pratique. Influencé par Lacan, dans un premier temps, ensuite par Winnicott et Bion, il s'intéresse dès le début aux états limites et à la psychose. Il explique son envie de rester psychanalyste à "part entière" sans trahir sa profession avec des engagements universitaires qui auraient pu le détourner de l'écoute attentive de ses patients et de son besoin de réflexion théorique. Son adhésion à la SPP a été longuement réfléchie, liée à son exigence d'être respecté dans son image d'homme aux intérêts multiples et variés. Il s'est battu souvent pour une ouverture de la SPP et sa participation à des débats publics. F. Duparc souligne la richesse qualitative et quantitative de l'œuvre de Green et essaie de dégager cinq chapitres principaux, que je retranscris ici, respectant l'ordre donné par le biographe1) le discours vivant ; 2) de la clinique du vide à la clinique du négatif (narcissisme négatif, l'hallucination négative, la psychose blanche, l'irreprésentable et la pulsion de mort) ; 3) de la mère dans tous ses états, à la tiercéité (mère phallique, mère noire, mère morte, folie maternelle primaire et tiercéité) ; 4) la psychanalyse appliquée au théâtre (Shakespeare), à l'écriture, à l'interprétation des oeuvres d'art en général, à la création et la sublimation ; 5) les grands débats idéologiques avec Lacan, les analystes d'enfants, la science et le cognitivisme, pour soutenir la notion de pulsion et la métapsychologie.F. Duparc évoque le caractère ouvert, curieux et méditerranéen de A. Green, son esprit critique, son goût pour la polémique ; il met en évidence le fil conducteur de la vie d'un homme qui a toujours été passionné par la psychanalyse, qui cultive et poursuit sa passion avec sa rigueur habituelle et une grande sérénité
|