Type de document : | texte imprimé |
Titre : | L'idole et l'abject |
Auteurs : | / Jean MAISONDIEU |
Editeur : | Paris : Bayard, 1995 |
Importance : | 220 p. |
ISBN/ISSN/EAN : | 978-2-227-06729-5 |
Format : | 220 p. / 22 cm |
130 FF | |
Note générale : | Analyse in : Lectures, Actualités de la Bibliothèque Sigmund Freud, 1995, n° 11, par D. Bourdin |
Langues: | Français |
Mots-clés : | Maladie mentale ; Abjection ; Psychiatrie |
Résumé : |
Avec Le crépuscule de la raison, Jean Maisondieu invitait soignants et familles à retrouver la relation avec la personne au coeur du désordre que représente la démence. Avec Les alcooléens, il les engageait à réhabiliter les alcooliques comme sujets dignes de respect. Poursuivant sa réflexion sur la pratique des psychiatres, dont la sienne, il met en évidence la tentation permanente de nier l'altérité du sujet. Perçu comme abject, celui-ci ne peut que s'enfermer dans sa pathologie. Or, l'objection - réponse défensive à la peur de la maladie et de la mort - n'est jamais prise en compte par les cliniciens, pas plus qu'elle ne trouve sa place dans les théories, qui sont, depuis Freud, centrées sur le désir et la séduction. Faute d'être reconnue, elle empoisonne les relations avec les " malades " et les maintient de façon durable dans le désordre mental. A la manière provocatrice qu'on lui connaît, Jean Maisondieu plaide pour " une psychiatrie de l'abjection " qui permettrait à celui que l'on soigne d'être accepté comme un semblable en humanité afin que sa " guérison " ne soit pas un voeu pieux, mais un espoir raisonnable. Analyse par D. Bourdin parue dans Lectures, 1995, n° 11 : Cette réflexion d'un psychiatre de service public, médecin chef de secteur psychiatrique, invite à faire place sans déni à nos sentiments de répulsion. Il n'est pas si aisé de reconnaître un semblable dans l'Autre : l'autre qui souffre, mais aussi qui se rend insupportable, qui nous renvoie une image intolérable de notre humanité, qui se fait tyrannique ou pitoyable, et qui nous rappelle notre destin, la mort. Si la répulsion est déniée, sous prétexte d'affection familiale, de bons sentiments, ou encore d'un respect apparent de la bienveillance et de la neutralité professionnelle, elle ne fonctionne qu'avec plus de force : alors la répulsion, inévitable, devient une façon de prendre l'autre en abjection, de refuser de le considérer réellement comme un être humain. Les relations en sont empoisonnées, la neutralité apparente est guindée, l'affection déployée par la famille est en fait méprisante, agressive et destructrice. D'autant que le malade lui-même se prend facilement en abjection, lui aussi. Engagé dans la spirale de la dépréciation de soi, il ne se supporte plus, il se rend abject, en réponse à l'abjection dans laquelle on l'enferme. Le souci humaniste évident de l'ouvrage prend appui sur une pratique de thérapie familiale systémique. L'auteur insiste sur la perturbation relationnelle comme cause partielle de la maladie ; les diagnostics médicalisants de maladie mentale risquent toujours de chosifier le patient, mais en un sens rassurent : parce qu'ils évacuent toute question de responsabilité, parce qu'ils font cesser les interrogations plus radicales sur la "folie", affolantes au sens strict, et sur ce qui la suscite, l'entretient et l'aggrave. Les situations cliniques sont suggestivement évoquées, et manifestent l'implication du thérapeute, ses erreurs (lui aussi peut se trouver involontairement pris dans l'abjection), ses hésitations et ses objectifs. Les figures cliniques essentielles de l'ouvrage sont le dément et l'alcoolique. La réflexion sur la spirale de dépréciation où se débat et s'enferme ce dernier prolonge les études de Bateson. La qualité de la réflexion sur la démence dans le système familial m'a semblé beaucoup plus profonde et originale : en refusant que le diagnostic d'étiologie organique fasse taire les questions sur les vécus relationnels au sein de la famille et sur l'effet des mouvements de répulsion et de leur déni, l'auteur nous donne à voir et à penser la profondeur des atteintes narcissiques et des mouvements destructeurs de chacun. Mais ces processus rendus sensibles ne sont guère étudiés. Autant l'auteur est convaincant lorsqu'il montre rapidement les points aveugles du biologisme, autant sa caricature de la psychanalyse laisse rêveur. Il en fait une théorie du tout désir, reprochant à cette conception du sujet désirant d'être un déni de l'angoisse de mort et des phénomènes de répulsion. Le caractère essentiel du dualisme pulsionnel dans l'œuvre de Freud est quasi ignoré, malgré une référence formelle à la pulsion de mort, présentée elle-même comme aspiration au repos, et donc comme déni masqué. Il est tout à fait étonnant de voir ainsi les mouvements de répulsion présentés de façon indépendante du sexuel voire opposés à lui. Derrière le propos humaniste et clinique explicite, l'objet du livre manifeste nettement une volonté systématique de négation du sexuel. Outre cette première limite, l'auteur développe un rapport discutable à la théorie, présentée comme défense positiviste ayant réponse à tout. On comprend volontiers sa critique d'une attitude théorique qui assigne au patient ses paroles et son rôle et s'abstient de le rencontrer et de l'entendre. Mais la critique ainsi développée n'est que l'envers d'une pensée positiviste, qui reste prisonnière d'une conception de la théorie comme savoir nécessairement tout fait, préalable, absolu et fermé. Or l'empirisme humaniste qui lui est ici opposé possède lui aussi des points aveugles et des présupposés explicatifs qui occultent une part de ce qui est dit. Si une patiente dit qu'elle vient aux séances de thérapie familiale "pour faire plaisir" au thérapeute, n'est-ce vraiment que le signe de son manque d'implication et de désir de changement ? L'impasse sur les phénomènes de transfert, remplacés par une phénoménologie de la répulsion, aboutit à une clinique tronquée, malgré la finesse du repérage des attitudes relationnelles, et malgré une sensibilité aiguë aux signes de l'ambivalence. Le niveau de l'étude clinique reste descriptif, mais de façon suggestive. L'auteur présente une conception humaniste classique de la finitude et des angoisses de mort, et il indique bien les mouvements défensifs qui sont engendrés par les situations pathologiques. Mais son regard montre - et même dénonce - il n'analyse pas. Les processus psychiques sont hors jeu, sous prétexte que l'intra psychique peut servir à évacuer les problèmes posés par les relations entre sujets. Sans cesse, ses descriptions mettent en scène du narcissique et de l'objectal, du désir de vivre et des forces destructrices, mais jamais ce qui est ainsi décrit pour être éventuellement corrigé n'est effectivement pensé. L'histoire des individus compte moins que le fonctionnement présent de leurs relations. Le fantasme n'est pas pris en compte. Comme si pour l'auteur, la pensée empêchait de voir et de sentir. Car voir et sentir remplacent en quelque sorte l'ambition d'entendre. La contradiction entre sa conception d'une psychanalyse qui nierait la mort et les textes cliniques de Michel de M'Uzan est en effet éclatante, et suffit me semble-t-il non seulement à invalider ses accusations, mais à montrer la différence de perspective. Chez les psychanalystes, seul le livre de J. Kristeva sur les Pouvoirs de l'horreur trouve grâce aux yeux de J. Maisondieu, mais il s'agit précisément d'un texte essentiellement anthropologique et phénoménologique. Le prix de cette impasse sur la pensée théorique (psychanalytique ou autre), c'est que tout en s'en défendant, tout en soulignant le caractère normal de la répulsion - qu'il faut d'abord reconnaître car c'est son déni qui est pathogène - le livre conduit à une démarche d'examen de conscience ou si l'on veut de révision de vie (version moderne moins culpabilisante) plutôt qu'à une compréhension des processus psychiques, non seulement intrapsychiques, mais groupals. On nous permettra de penser que cet examen critique de nos pratiques, mené avec sensibilité, rigueur et finesse, est pertinent et utile, même pour des analystes, notamment au niveau des relations quotidiennes, malgré les côtés irritants de ce livre qui tiennent à la « prise en abjection » par l'auteur de la pensée théorique et de la sexualité humaine. |
Note de contenu : | Bibliographie |
Exemplaires (1)
Code-barres | Cote | Support | Localisation | Section | Disponibilité |
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10012862 | MAI | Ouvrage | BSF Paris | ψ Réserve : Ouv. A-Z | Consultation sur place |