Résumé :
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-- Analyse :
Analyse par Annie Tissot parue dans LECTURES, 1994, n°8 :
Sous le titre Les Écrits de Budapest, les premiers textes de Ferenczi, rédigés avant sa rencontre avec Freud et la psychanalyse, participent à double titre de l'histoire de la psychanalyse. D'une part, le récit par Claude Lorin des avatars de la découverte de ces écrits et des aléas de leur publication est exemplaire de la somme de travail et de persévérance exigée pour reconstruire une vérité historique que toute approximation ou légèreté pourrait altérer. D'autre part, grâce à ce travail, nous sommes en situation de découvrir le jeune Ferenczi avec justesse et sans a priori.
Cet homme attachant, courageux, et doué d'une intelligence remarquable, a marqué sa place d'analyste de manière particulièrement honnête dans le cours d'une vie difficile. Nous avons ici le témoignage des intérêts qui l'animaient avant son premier contact avec Freud :occasion, pour chacun de nous de revivre ce que nous étions nous-mêmes avant notre propre analyse !...
Pour lui, médecin du début du siècle, confronté à l'extrême pauvreté thérapeutique de cette époque où évoluaient sans limites des maladies dramatiques laissant des êtres détruits par la douleur, le travail médical acharné auquel il s'adonnait consistait à observer, décrire, affiner la clinique, pour s'approcher le plus possible d'un éventuel diagnostic et d'une éventuel thérapie, efficace. Sa curiosité, son intelligence des êtres, sa sensibilité à la souffrance étaient à peine émoussées par le désespoir d'être si peu armé pour lutter. Ainsi, ne refuse-t-il aucune ouverture vers ce qui allège la maladie ou éclaire un aspect nouveau du territoire de l'ignorance.
Fin neurologue, Ferenczi ne dédaigne pas l'écoute psychologique, le spiritisme, l'hypnose - qu'il cherche à comprendre - ou même le traitement électrique, si cela peut se révéler efficace. Et si on lit sous sa plume que "la paranoïa est la manifestation d'une dégénérescence héréditaire", en quoi il est "en opposition radicale avec les théories régnantes, même les plus récentes, qui soutiennent que la plupart des maladies mentales sont dues à des émotions trop fortes de joie, de tristesse ou de peur" (1902), à l'inverse, il notait déjà en 1899 : "il existe au sein de l'esprit des éléments inconscients ou semi-conscients qui participent à son fonctionnement, et (...) il est très probable qu'un grand nombre de phénomènes dits "spiritistes soient l'expression de divisions psychiques". Défenseur des états sexuels "intermédiaires", qui intègrent alors l'homosexualité, il affirme qu'il n'y a pas de "droit supérieur à celui de la vérité.
On perçoit ici déjà cette passion d'une recherche sans compromission qui animera plus tard son travail d'analyste, jusqu'aux expériences extrêmes relatées la dernière année de sa vie dans son Journal clinique et qui mobilisèrent tant de critiques.
Annie Tissot
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