Résumé :
|
Ecouter l'écriture : est-ce vraiment possible? je dis bien "écouter" et non pas lire. En tout cas, il est des écritures qui ne sont faites que pour être entendues, jouées, transmises; traversées de résonances à la parole, d'écrits-paroles, de parlécrits; écrits que meuvent des flots de transmissions internes, par quoi ils "passent" dans le mouvement même qui les produit et les disperse : il s'agit ici de la lettre-germe, qui s'écrit du geste qui la transmet, et du sciage d'espace dont elle est chue. Entendre une telle écriture, surtout pour un psychanalyste, ça ne peut pas être "fixer" le symptôme, mais au contraire l'ouvrir, le dérouter : car l'écriture ne réussit qu'à la mesure des "ratés" de son symptôme, de sa folle déjouée, de ses perversions éludées (et que serait-ce que lever un symptôme, quand il est d'écriture?). Si vous faites un bout de chemin dans cette voie, à travers Bible, et Shakespeare, et Kafka - un petit crochet aussi par la frontière entre "écriture" et "folie" - vous entendrez gronder ce que j'appelle l'Autre incastrable : figure de l'Autre-inconscient, où l'écriture s'est puisée, qu'elle entame et dérobe à tout autre effet que d'écriture; lieu fictif où la castration ne "prend" pas. Alors, pas de choix entre le thème et le texte, le contenu et la forme, le sens et le non-sens (et quelle forte écriture à jamais craint le sens? Il suffit qu'elle passe pour qu'il tourne court). L'enjeu est autre : l'inconscient est une réserve de temps, dont l'écriture extrait quelques cycles et constellations, quand elle s'est mise en tête la folie de les transmettre.
|