Résumé :
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Lorsqu’un être parlant se compte lui-même, il risque toujours d’oublier l’acte par lequel il se compte : le sujet ne compte plus quand il se tient pour compté. Les ressorts et les effets de toute identification le montrent : ainsi le procès logique qui conduit chacun, en hâte, à se conclure homme, disparaît-il dans son résultat. Tout sujet, une fois qu’il est parvenu à se compter au nombre des hommes, s’imagine appartenir par nature à une classe universelle qu’il tient pour définie, alors qu’elle ne se constitue que par l’énonciation précipitée qui l’y fait entrer, indépendamment de tout concept. Il raisonne alors selon une logique classique, dont un syllogisme bien connu offre depuis des siècles un exemple rebattu : « Tous les hommes sont mortels ; or Socrate est un homme… » L’œuvre de Lacan jette une lumière nouvelle sur ce pont aux ânes éculé. Le syllogisme de Socrate tire sa force du procès subjectif qu’il rejette. Le présent article dégage d’abord l’intention perverse du scoliaste, afin de retrouver le tranchant de l’énonciation qu’il cherche à émousser. Il décrit ensuite le mouvement par lequel cette énonciation, en s’évanouissant dans le « touthommisme » qui la trivialise, promeut une logique du concept universel. Il propose enfin de matérialiser cette transformation au moyen d’un exercice de topologie, pour s’extraire de la « flaque de glu mentale » dans laquelle le « sillygisme » nous plonge, au nom même, ce qui est un comble, de Socrate.
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