Résumé :
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L’auteur a découvert en 1983 l’ébauche du douzième essai métapsychologique perdu de Sigmund Freud, « Aperçu des névroses de transfert », et l’a publié pour la première fois en 1985. Dans le présent article, elle se penche sur la deuxième partie de cette ébauche, un texte spéculatif sous forme de « fantaisie phylogénétique ». En 1915, les événements extrêmement traumatisants de la Première Guerre mondiale avaient incité Freud à revenir à des thèmes fondamentaux de l’époque pionnière où il avait développé le modèle de la pulsion – théorie étiologique proprement psychanalytique – à partir du modèle du traumatisme, de la théorie de la séduction. Le modèle traumatique était le modèle le plus conventionnel. Il ne concernait que les personnes traumatisées et soulignait une opposition claire entre santé mentale et psychopathologie. En revanche, le scandale du modèle pulsionnel révolutionnaire était qu’il traitait de nous tous, de la réalité de nos désirs infantiles archaïques, de l’inéluctabilité de notre nature pulsionnelle ancrée dans le corps, de notre structure psychique à tous, menacée tout au long de notre vie. Freud a toujours considéré l’accent mis sur les facteurs traumatiques comme une tendance à abandonner le modèle pulsionnel révolutionnaire. Nous montrerons comment, dans cette fantaisie phylogénétique, il tente d’intégrer au modèle pulsionnel les facteurs traumatiques de la pathogenèse, dont l’action est tout aussi indiscutable – donc non plus traumatisme ou pulsion, mais pulsion et traumatisme. Toutefois, dans son imagination phylogénétique, il situe ces moments traumatiques dans le temps, à l’époque où les changements climatiques de l’ère glaciaire ainsi que des actions sociales violentes submergeaient nos ancêtres et laissaient des traces transmises de génération en génération dans leur substrat corporel. Freud a lui-même rejeté cette tentative. Cependant, ce document néo-lamarckien sur cet échec n’a pas pour nous aujourd’hui seulement un intérêt historique, mais aussi un intérêt tout à fait actuel.
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