Résumé :
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La réflexion lyotardienne sur le judaïsme, à partir de lectures conjointes de Freud et Levinas, joue un rôle décisif dans le dispositif de sa pensée sur l'éthique et le politique. Les différentes esquisses de la pensée de Lyotard sur Moïse et le don de la Loi sont les témoins de ce parcours. Avec "Figure forclose", Lyotard interprète le judaïsme comme psychose et écart par rapport à la norme du symbolique, l'alliance juive et les commandements comme ce qui implique la "forclusion" de la castration, rendant impossible l'accomplissement de désir sous le voile même de la figure, et , par là, l'accès à l'art comme à un progrès véritable de l'intellectualité scientifique. Moïse et le monothéisme juif ne permettraient pas la désintrication réelle du savoir d'avec le pouvoir. Or, c'est précisément l'approfondissement de son enquête qui, avec "Œdipe juif", d'abord, puis Heidegger et les "juifs" ensuite, jusqu'à Un trait d'union, conduit Lyotard à opérer un complet retournement : il n'est pas de norme symbolique, l'inaccomplissement est le fait de l'éthique, et l'ethos juif manifeste là sa résistance définitive à la volonté de pouvoir. L'élection et le don de la Loi ne sont pas le discours de la science ni le dogme de la vérité, intolérant aux autres communautés. Le sens de l'hétéronomie, celui de l'anamnèse, de la dette dont on ne peut s'acquitter et de l'irréconciliation, permettent d'entendre une autre politique que celle de la domination, une politique qui puisse également faire front à ce qui ne représente plus aucune politique ou l'excède complètement, la tentative d'accomplir l'anéantissement de l'Autre. S'en dégagent l'épaisseur résistante de la singularité juive et la pertinence de son un universalité complexe.
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