Résumé :
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Contre l'intolérance à l'histoire qui supporte les discours antisémites de son temps, Nietzsche détermine la rigueur de la méthode généalogique et constitue celle-ci en prisme permettant de saisir tous les écarts irrationnels, fantasmatiques, idéologiques dont procède l'"aryanisation" du christianisme (Renan, Treitschke, Wagner, Förster, Chamberlain), c'est-à-dire sa constitution en religion sui generis, séparée de tout rapport au judaïsme. Mais la méthode généalogique couplée à la philologie permet également à Nietzsche de tirer profit des découvertes exégétiques de Julius Wellhausen et de relire le Pentateuque comme une compilation de traditions théologiques d'époques distinctes. Le philosophe porte ainsi au jour la diversité des formes de vie religieuse qu'enveloppe le singulier "judaïsme" et isolant, dans les strates historiques de cette diversité la séquence tardive du surgissement de la Loi, il fait remonter à la surface de la mémoire les origines sémites et sacerdotales du christianisme. Cette anamnèse a pour condition de possibilité une pensée de la syntaxe. Constituée en antidote aux dérives délirantes du lexique, la généalogie nietzschéenne équivaut à la probité historique de la phrase.
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