Type de document : | Article : texte imprimé |
Titre : | Les extensions de la post-vérité, questions épistémologiques et politiques : entretien avec Philippe Huneman (2021) |
Auteurs : | / Philippe HUNEMAN / Sarah TROUBÉ / Olivier DOUVILLE |
Dans : | Évolution Psychiatrique (vol. 86, n° 2, 2021) |
Article en page(s) : | pp. 351-362 |
Langues: | Français |
Mots-clés : | Conspirationnisme ; Vérité ; Croyance ; Démocratie |
Résumé : |
Objectifs
Quelle est la logique de l’assentiment donné à une théorie complotiste ? L’ère de la post-vérité est-elle à entendre comme une quête de certitude, ou au contraire comme le déchaînement d’un doute ? De telles interrogations méritent d’être appréhendées par un abord psychologique du complotisme, afin d’expliciter le sens et l’équivocité que prennent aujourd’hui les termes de croyance, de vérité, de logique assertive ou encore de doute. Cette clarification conceptuelle ne peut s’opérer sans examiner l’usage de ces notions par le biais de l’épistémologie de la connaissance et de la philosophie des sciences. Méthode Cet entretien a été mené par Sarah Troubé et Olivier Douville avec le philosophe des sciences Philippe Huneman, autour de ses travaux récents portant sur les théories du complot et sur les conditions de la production et de la diffusion de la connaissance scientifique. Résultats L’entretien invite à questionner l’analogie de surface entre les modes rapides de construction des théories du complot et la démarche de constitution de la connaissance scientifique. Il convient de prendre en compte que ce déferlement de post-vérités nous offre l’occasion d’interroger les critères d’un doute rationnel et d’une croyance justifiée. La difficulté de poser des critères a priori qui permettraient de départager, à partir du seul examen de la croyance individuelle, les usages rationnels du doute et de la croyance, de leurs usages irrationnels, conduit à examiner les conditions de la production sociale de la connaissance. Discussion Réduire l’adhésion aux théories du complot à une croyance individuelle dans la vérité de ces théories mène à une mécompréhension du phénomène considéré. Prendre acte de l’équivocité épistémique de la croyance permet de la resituer dans sa dimension sociale et interlocutoire d’adresse à l’autre. La question de la production sociale de la connaissance, et plus particulièrement de la connaissance scientifique, invite à interroger les processus qui légitiment l’assentiment du public et des chercheurs dans la fiabilité des connaissances scientifiques. Mais elle permet aussi d’identifier, dans les conditions sociales et économiques actuelles de la recherche, les éléments susceptibles d’engendrer une forme de défiance envers certaines productions scientifiques. Conclusion L’impossibilité de s’en tenir à un examen de la croyance comme phénomène individuel, et de départager a priori l’irrationnel du rationnel dans le phénomène du complotisme, débouche sur une réflexion épistémologique et politique. En diffusant dans le débat public une indifférence à tout partage entre le vrai et le faux, la prolifération de fake news attaque non seulement les conditions même de la constitution d’un savoir partagé, mais met en péril les ressorts de la délibération démocratique. À l’encontre de toute filiation entre l’ère de la post-vérité et les philosophies post-modernistes, la compréhension de cette indifférence au vrai et au faux est à replacer dans le contexte d’un marché de l’information qui crée les conditions de cette indifférenciation entre faits avérés et faits alternatifs. |
Exemplaires (1)
Code-barres | Cote | Support | Localisation | Section | Disponibilité |
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20020887 | K04-4 | Revue | BSF Paris | ψ Réserve : Périodiques | Consultation sur place |