Type de document : | Article : texte imprimé |
Titre : | Commençons par écarter tous les faits. Quelques réflexions freudiennes et lyotardiennes sur la réalité psychique (2021) |
Auteurs : | / Claire PAGÈS |
Dans : | Évolution Psychiatrique (vol. 86, n° 2, 2021) |
Article en page(s) : | pp. 245-260 |
Langues: | Français |
Mots-clés : | Réalité psychique ; Fantasme ; Vérité ; Affect ; LYOTARD, Jean-François |
Résumé : |
Objectif
L’objectif de cet article est d’interroger la notion freudienne de réalité psychique, en nous demandant si celle-ci préfigure la reconnaissance d’une forme d’affranchissement à l’égard des faits du monde. Que les faits possèdent souvent moins de poids que certaines pensées, l’affirmation est au cœur de la notion freudienne de réalité psychique. En effet, Freud ne se contente pas, quand il découvre l’épaisseur des fantasmes hystériques, de demander que la réalité psychique soit prise en compte à côté de la réalité pratique ou qu’elle ne soit pas confondue avec la réalité matérielle, mais il va s’employer à montrer que l’inconscient ignore littéralement la différence entre fait et désir. Ainsi, la difficulté n’est-elle pas seulement celle d’une surestimation de la réalité et de la sous-estimation de la fantaisie. Elle ne se trouve pas non plus cantonnée à la névrose qui place la réalité psychique au-dessus de la réalité factuelle, mais force est d’admettre la supériorité et même la domination de la réalité psychique dans la formation de bien des contenus de représentation : dans l’inconscient, rien ne distingue le souhait du fait. Aussi est-il très difficile de faire le départ entre les êtres « normaux » qui n’accorderaient leur confiance qu’à des réalités et les névrosés qui réagiraient avec le plus grand sérieux aux seules pensées. Le point est délicat et sera au cœur de la discussion freudienne, discussion non tranchée, touchant la question de savoir si l’acte originaire de parricide relève de la vérité historique ou a davantage valeur de fantasme. Méthode Pour discuter ces questions, nous proposons de confronter les pensées de l’inconscient qu’on trouve chez S. Freud et chez le philosophe français, J.-F. Lyotard qui, à la fois, a livré des commentaires de textes freudiens consacrés aux fantasmes mais s’est également inspiré des théories freudiennes, tout en les mettant à distance, pour forger sa propre conception de l’inconscient et de l’affect. Nous proposons, dans un premier temps, de reconstituer cette grande scène inconsciente depuis laquelle toute formation puissamment investie d’affect possède plus de valeur et d’importance que son démenti par la réalité ou que les faits dits objectifs. Dans un second temps, nous demanderons si le modèle psychique freudien est ainsi seulement une anticipation de l’empire de la post-vérité ou si Freud ne repère pas également des signaux indubitables de réalité ou des signes qui ne soient pas eux-mêmes de simples couches d’interprétation. Nous interrogerons alors l’idée freudienne, formulée dès L’Interprétation du rêve, selon laquelle l’affect a toujours raison, du moins quant à sa qualité. Nous n’ignorons pas que les affects, comme les représentations, peuvent être renversés en leur contraire. Il semble néanmoins que les affects soient moins sujets à modification que les contenus de représentation. En suivant l’interprétation proposée par le philosophe Jean-François Lyotard de la notion freudienne d’affect, et qui le conduit à élaborer celle de « phrase-affect », nous convoquerons pour finir cette voix affective qui témoignerait – en vérité – sans rien représenter et sans jamais « mentir ». Résultats La confrontation que nous avons conduite a pour intérêt qu’elle établit une connexion entre la question du sens à donner aux notions de réalité psychique et de fantasme et celle de l’affect inconscient. En effet, il nous semble que ce qui empêche d’assimiler l’inconscient à un lieu ne recelant que des faits du désir, dépourvus complètement d’indice de réalité ou de référencialité, de conclure, ce faisant, que rien ne fait signe vers la réalité ou que celui-ci n’est constitué que de couches interprétatives qu’on n’a jamais fini de traverser, c’est peut-être que le fantasme peut faire événement sur la scène psychique et que cette possibilité est conditionnée par un fort investissement en affects. Discussion Le propos développé permet d’amorcer une discussion touchant à la fois ce qui peut réunir mais aussi ce qui distingue une pensée de l’inconscient en termes de « petites choses inconscientes », chez Freud, et une pensée de l’inconscient en termes de phrases, de phrases affect, chez Lyotard. Conclusion Le double regard porté sur l’affectivité à partir des pensées de Freud et de Lyotard déplace l’idée d’un inconscient en quelque sorte post-factuel. Certes, la pleine et entière motivation ou justification de l’affect découle de la reconnaissance de réalités psychiques sur lesquelles reposent ces affects. Néanmoins, ces affects signifient l’existence d’une dimension de la réalité psychique qui excède la structure des strates de fantasme ou d’interprétation qu’on ne finit jamais de traverser et qui constituent l’inconscient comme réalité dépourvue de faits. Nous avons mis en avant l’importance de l’idée freudienne formulée dès l’Interprétation du rêve selon laquelle l’affect est toujours vrai, quant à sa qualité. De même, nous avons fait valoir que, dans la dernière période de sa pensée, Lyotard présente l’affect ou l’infantia comme un fait de l’inconscient. |
Exemplaires (1)
Code-barres | Cote | Support | Localisation | Section | Disponibilité |
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20020887 | K04-4 | Revue | BSF Paris | ψ Réserve : Périodiques | Consultation sur place |