Résumé :
|
On est toujours deux dans un témoignage. Et peu de textes requièrent avec la même urgence l’écoute, la présence physique ou symbolique de l’autre, contemporain, auditeur ou lecteur, qui est aussi le représentant de l’autre humain qui fit défaut au moment de l’épreuve. D’où la nécessité de renouer le lien que Primo Levi traduit par l’interpellation, l’adresse, et le dialogue avec son lecteur, tandis que Claude Lanzmann, dans Shoah, incarne une instance d’écoute active et médiatrice qui sert d’étayage à la parole du témoin et lui permet parfois d’advenir. Dans le cadre d’une mort de masse et d’une non-séparation, le survivant semble accueillir en lui l’englouti ou poursuivre un dialogue avec ses morts. Dans certains témoignages, entre symptômes et thèmes littéraires, les phénomènes d’incorporation, les reflets spéculaires, la présence de doubles, apparaissent comme la traduction dans l’écriture d’un deuil impossible. Pourtant, c’est aussi parfois dans et par l’écriture que le témoin-survivant peut se séparer de ses morts.
|