Resumen:
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La conception moderne de la nation comprend une revendication d’autonomie individuelle et de bonheur, associée à l’exigence d’égalité sociale. Elle est inspirée par les idéaux de progrès et de raison. Cependant, la loi de gravitation de l’imaginaire national consiste en l’exclusion des étrangers et des minorités. Elle entraîne en conséquence les excès du nationalisme. La construction des États-nations fut un processus complexe, suivant des trajectoires historiques hétérogènes, mais on retrouve dans les croyances en la nation des thèmes convergents liés à la problématique identitaire. Il existe un rapport fort entre cette idéologie et les espérances religieuses. En outre, le nationalisme n’a cessé d’entretenir des fantasmes régressifs qui se sont épanouis dans les mouvements de masse. Aujourd’hui comme par le passé, les populistes souverainistes manifestent une suspicion à l’égard des étrangers qui confine parfois au racisme. Ils attirent les individus qui craignaient la montée en puissance de gens dissemblables, ceux issus d’une autre culture et de « races » différentes. Leurs dirigeants ont un discours dépourvu de complexité, toujours manichéen. Ils séduisent leurs militants en légitimant leur rage. Dans un bon nombre de pays de l’hémisphère Sud, l’échec de l’État-nation a favorisé l’épanouissement des sectarismes ethno-nationalistes, généralement associés au fondamentalisme religieux. Freud a vécu dans une époque marquée par les délires du nationalisme, et c’est dans ces circonstances que la psychanalyse a vu le jour. Il ne s’est pas engagé dans l’étude du nationalisme, mais ses réflexions sur les idéaux culturels, ses travaux sur les processus de construction identitaire et le narcissisme, son interprétation des illusions religieuses et des rituels obsessionnels, son analyse de la dynamique des foules, des liens de solidarité et des rapports d’autorité, donnent néanmoins des clefs pour interpréter le nationalisme et ses excès. En outre, le spectacle désolant des guerres civiles contemporaines, des violences aveugles et suicidaires qu’elles comportent, ravive en nous des sentiments de désarroi analogues à ceux exprimés par Freud à la veille de la Seconde Guerre mondiale, à savoir l’impression de vivre « un temps particulièrement curieux » et de découvrir avec surprise que « le progrès a conclu un pacte avec la barbarie ».
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