Résumé :
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Thomas Szasz, détracteur violent de la psychanalyse, a entrepris dans sa diatribe anti-freudienne Karl Kraus et les docteurs de l’âme – visiblement sans connaître la position de Musil – une séparation manichéenne entre la rhétorique « vile » de Freud (et de la psychanalyse en général) et la rhétorique « noble » de Karl Kraus qui est son témoin principal dans le procès qu’il intente à Freud. Dans son argumentation, il s’appuie sur Egon Friedell, Karl Popper, Karl Jaspers et Eric Voegelin pour appliquer le diagnostic de Musil exclusivement à Freud et, dans une moindre mesure, à Adler. La délégitimation de la psychanalyse va très loin : elle est traitée de « pseudo-religion juive » ou de « secte », d’« astrologie » ou de « légende » (Popper), enfin de « mouvement gnostique » (Voegelin). Parmi les «mouvements gnostiques modernes» dont le but est la soumission des êtres, Voegelin énumère entre autres «le marxisme, la psychanalyse, le communisme, le fascisme, et le national-socialisme». Comme Szasz, mais contrairement à Musil dont il semble par ailleurs partager la perspective, Voegelin voit en Karl Kraus un véritable antidote à toutes les formes de gnose moderne. Appuyé sur ces autorités, Szasz arrive à une condamnation sans appel de la psychanalyse : elle est, selon lui, une « pratique collectiviste et coercitive du contrôle social».
"Karl Kraus contre l'école de Freud ou comment délégitimer l'interprétation psychanalytique de la littérature", Gérald Stieg et Jean-François Laplénie, Savoirs et clinique 2005/1 (n° 6), pp. 53 à 58.
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