Résumé :
|
Cet article explore deux dimensions de l’expérience commune à tous les immigrés, qu’ils aient choisi d’immigrer ou que les circonstances extérieures les aient obligés à faire ce choix : la perte d’une continuité contextuelle avec, comme conséquence, le fait d’être un étranger dans la nouvelle culture. En nous appuyant sur la littérature contemporaine traitant des états discontinus de soi multiples, nous proposons l’hypothèse que, pour de nombreux immigrés, des aspects dissociés de leur expérience de soi symbolisent leur culture d’origine. Que ces états dissociés soient idéalisés et ressentis comme inatteignables dans la nouvelle culture, ou dénigrés et rejetés pour tenter d’établir de nouveaux liens, s’ils ne sont pas rendus conscients, examinés, s’il n’en est pas fait le deuil et s’ils ne sont pas réintégrés, l’immigré(e) fera l’expérience d’être lui(elle)-même comme la femme de Loth, changée en une statue de sel, son regard figé pour l’éternité sur le monde perdu. Ou bien, se coupant d’un monde méprisé qu’il a fui, il se coupera lui-même des aspects valables de son expérience de soi oubliés par inadvertance dans l’acte de l’immigration. À partir d’un matériel clinique abondant, nous arrivons à la conclusion qu’être un ou une immigrée n’est pas de l’assimilation, mais un processus d’accommodation mutuelle entre des états du soi qui détiennent des passeports différents.
|